Le corpus Alpha a été recueilli dans le cadre de la thèse de doctorat de Raphaël Prenovec, encadré par Anne Lacheret-Dujour et Caroline Bogliotti, laboratoire MoDyCo et Université Paris Nanterre, en association avec l’INJS de Paris. L’objectif du corpus Alpha est d’analyser et de comprendre les spécificités des productions écrites d’adolescents sourds. Ces adolescents ont été invités à écrire dans quatre genres discursifs :
le genre descriptif : « Décris-moi le chemin pour aller de chez toi au collège (ou au lycée). »
le genre explicatif : « Quelle est la recette de cuisine que tu maîtrises le mieux ? Explique-nous comment tu fais. »
le genre narratif : « Raconte-moi le plus mauvais souvenir de ta vie »
le genre argumentatif : « D’après toi est-ce que c’est légitime d’empêcher les sourds de signer à l’école »
En français comme dans beaucoup d’autres langues vocales, une quantité d’informations psycholinguistiques concernant le lexique en termes de fréquence lexicale, de familiarité, de concrétude, d’imageabilité, d’âge d’acquisition, etc a déjà été recueillie et est répertoriée.
En Langue des Signes Française, il n’existe à ce jour pas de normes psycholinguistiques. Notre projet : créer la première base de données psycholinguistiques du lexique LSF : FLexSign.
Pour cela, nous avons construit un questionnaire de recueil de données en ligne. Ce questionnaire a pour but de collecter des informations pour 550 signes de la LSF et ce, sur trois critères : la fréquence subjective (ou familiarité), la concrétude, l’iconicité.
Notre questionnaire est destiné à toute personne locutrice de la LSF, sourde ou entendante.
Le principe est simple : il s’agit d’évaluer chacun des critères sur une échelle de 1 à 5.
Pour avoir plus d’informations ou pour participer, n’hésitez pas à nous contacter : flexsign.lsf@gmail.com
L’atypie langagière chez les enfants sourds : une piste pour définir le développement du langage normal et pathologique dans les langues des signes.
Depuis 30 ans, les linguistes s’intéressent à la description linguistique des langues des signes (LS). Les tentatives de description qui s’en dégagent génèrent des positionnements théoriques et des questionnements terminologiques en permanente confrontation avec les langues vocales (LV). Les LS fonctionnent elles de la même manière que les LV ? Peut-on dégager les mêmes structures et catégories linguistiques que dans les LV ? Peut-on les observer et les décrire avec les outils des LV ? En quoi le changement de modalité peut modifier le développement du langage ? Autant de questions auxquelles les linguistes et psycholinguistes des LS tentent de répondre. Dans la première partie du chapitre, nous aborderons rapidement la linguistique des LS, et plus précisément la description des aspects phonologiques et morphosyntaxiques. Nous verrons également comment les études psycholinguistiques ont mis en évidence les similitudes ou les différences structurales entre les LV et les LS. Enfin, car c’est l’objet de l’ouvrage, nous tenterons de comprendre le fonctionnement langagier typique et atypique dans une langue signée, et plus spécifiquement, en quoi l’atypie langagière peut être caractéristique d’un fonctionnement langagier typique ou pathologique. Cette réflexion sur l’atypie langagière se fera au regard de la modalité gestuelle et du contexte dans lequel les enfants acquièrent une LS.
Signes lexicaux de la LSF. On peut observer ici les articulateurs manuels et corporels (doigt, main, bras) combinés pour la production d’un signe. On peut également y repérer les paramètres manuels comme la configuration (index tendu, main 5 doigts tendus), le mouvement (représenté par des flèches, le nombre de flèches correspondant au nombre de mouvement), l’emplacement (main sur le visage, sur le torse), et l’orientation (orientation de la paume vers le locuteur ou l’interlocuteur). On peut également observer l’iconicité plus ou moins transparente à l’origine de la création des signes. Si l’iconicité du signe [ARBRE] est claire, l’iconicité de [FILLE] ou de [PROFESSEUR] est plus opaque et il est nécessaire de connaître l’histoire du signe pour en deviner la trace imagique.
Expérience langagière dans le développement de la LSF : Preuve comportementale à partir d’une tâche de répétition de phrases.
En psycholinguistique et en linguistique clinique, le Sentence Repetition Task (SRT) est connu pour être un outil précieux pour le dépistage des capacités linguistiques générales dans les langues parlées et signées. Cette tâche permet aux utilisateurs d’évaluer de manière fiable et rapide les capacités linguistiques à différents niveaux d’analyse linguistique tels que la phonologie, la morphologie, le lexique et la syntaxe. Pour évaluer les compétences en langue des signes chez les enfants sourds utilisant la langue des signes française (LSF), nous avons conçu une nouvelle SRT comprenant 20 phrases en LSF. La tâche a été administrée à une cohorte de 62 enfants- 34 signeurs natifs (6;09-12 ans) et 28 signeurs non-natifs (6;08-12;08 ans) – afin d’étudier leur développement linguistique général en fonction de l’âge d’acquisition de la langue des signes (AOA) et de l’âge chronologique. Auparavant, un groupe de 10 signeurs natifs adultes a également été évalué avec cette tâche. Comme prévu, nos résultats ont montré un effet significatif de l’AOA, indiquant que les signeurs natifs répétaient plus de signes et étaient plus précis que les signeurs non natifs. Un modèle de résultats similaire a été trouvé pour l’AC. En outre, les signeurs natifs ont commis moins d’erreurs phonologiques (c’est-à-dire de forme de main, de mouvement et d’emplacement) que les signeurs non natifs. Enfin, comme l’ont montré les études précédentes sur la langue des signes, la forme des mains et le mouvement se sont avérés être les paramètres les plus difficiles à maîtriser, indépendamment de l’AOA et de l’AC. Pris ensemble, nos résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle l’AOA est un facteur crucial dans le développement des compétences phonologiques, quelle que soit la modalité du langage (parlé ou signé). Cette étude constitue donc un premier pas vers une description théorique de la trajectoire de développement de la LSF, une langue jusqu’ici peu étudiée.
Projet EVASIGNE : Evaluation des compétences en Langue des Signes Française : Enjeux cliniques et linguistiques
Un des objectifs des travaux de notre équipe est de créer un outil d’évaluation standardisé des compétences linguistiques en LSF. Ce type d’outil est inexistant actuellement et c’est le but du projet EVASIGNE que de créer cet outil.
Les enjeux sont pluriels :
enjeu pratique d’une part car il répond à une demande de nombreux professionnels (enseignants, orthophonistes)
enjeu linguistique car il peut aider à une meilleure description de la LSF
enjeu scientifique car cet outil nous permet de mener à bien nos recherches sur la LSF, son acquisition et les déficits langagiers qui peuvent survenir lors du développement langagier
Nous avons plusieurs outils disponibles ou en cours d’élaboration :
Test de Répétition de phrases en LSF
Vous trouverez les premiers résultats de ce test dans l’article publié dans Plos One.
Bogliotti, C., Aksen, H., & Isel, F. (2020). Language experience in LSF development: Behavioral evidence from a sentence repetition task. PLOS ONE, 15(11), e0236729. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0236729
Ce test est disponible sur demande (contacter Caroline Bogliotti)
Test d’évaluation de la morphosyntaxe en LSF
Ce test a été élaboré dans le cadre de la thèse de doctorat de Laetitia Puissant-Schontz.
Test de répétition de non-signes
Test de dénomination et de désignation (Agnès Vourc’h & Caroline Bogliotti)
Test de production de phrases (Stéphanie Caët & Marion Blondel)
Pour plus d’informations sur le projet EVASIGNE, contactez Caroline Bogliotti
Le projet EVASIGNE a été financé par l’Université Paris Lumières (2014-2018)
Troubles du langage en LSF
Certains enfants sourds, exposés précocement ou non à une langue des signes, peuvent présenter des retards ou déficits lors du développement langagier. Leur acquisition peut être perturbée soit par la survenue d’un Trouble Spécifique du Langage Oral (TSLO), soit par un trouble trouvant son origine dans des causes plus générales (problème praxique, moteur, psychoaffectif, etc.).
A ce jour, il n’existe pas d’outils standardisés qui permettent d’évaluer finement les compétences langagières d’un individu sourd dont la LSF est la langue première (voir projet EVASIGNE). Il n’est donc pas possible de savoir quelles sont les compétences linguistiques bien installées et celles qui nécessitent une prise en charge.
C’est ce point de vue qui nous intéresse particulièrement : comment diagnostiquer et caractériser un trouble du langage dans une langue gestuelle ?
Publications
Puissant-Schontz L., Fortuna C. & Blondel M. Manifestations of SLI in LSF : focus on argument structures, ICSLA2015 Amsterdam, July 1-3, 2015
Cristini M. & Bogliotti C. The phonology of French Sign Language (LSF) : non sign repetition and discrimination tests, ICSLA2015 Amsterdam, July 1-3, 2015
Acquisition du langage en Langue des Signes Française (LSF) : De la communication prélinguistique aux premiers signes. Étude longitudinale de 0 à 3 ans.
L’objectif de mon projet de thèse est d’étudier l’acquisition de la LSF comme langue maternelle chez des enfants entre “0” et 3 ans.
Observer et analyser l’évolution de la communication en LSF entre parents et enfants signeurs
Décrire les étapes développementales de l’acquisition en LSF
Ce projet de thèse est dirigé par Anne Lacheret-Dujour & Caroline Bogliotti.
Présentation du projet en LSF
Les vidéos présentées ici expliquent mon projet recherche.
Chaque vidéo dure en moyenne 30 secondes.
La première partie “Explications du projet” précise le contexte, l’objectif, la méthode et les informations à connaître.
La seconde partie “Consentement” est l’explication du document officiel pour les familles qui acceptent de participer.
Indications manuelles et verbales dans l’accès lexical en langue des signes française : preuve de l’utilisation de la labialisation dans un paradigme d’amorçage signe-image.
Caroline Bogliotti et Frédéric Isel
Bien que les langues des signes soient des langues gestuelles, il n’en reste pas moins que certaines informations linguistiques peuvent également être transmises par des composantes orales comme la labialisation. La labialisation tend généralement à reproduire la partie phonétique la plus pertinente du mot parlé équivalent correspondant au signe manuel. Par conséquent, une question cruciale en langue des signes est de comprendre si la labialisation fait partie des signes eux-mêmes ou non, et dans quelle mesure elle contribue à la construction du sens des signes. Une autre question est de savoir si les modèles de labialisation constituent un indice phonologique ou sémantique dans l’entrée du signe lexical. Cette étude visait à étudier le rôle de la labialisation sur le traitement des signes lexicaux en Langue des Signes Française (LSF), en fonction du type de bilinguisme (intramodal vs. bimodal). Dans ce but, une expérience comportementale de décision lexicale signe-image a été conçue. Les signeurs intramodaux (adultes sourds natifs) et les signeurs bimodaux (adultes entendants fluides) doivent décider le plus rapidement possible si une image correspond au signe vu juste avant. Nous avons créé cinq conditions expérimentales dans lesquelles la paire signe-bouche était congruente ou incongruente. Nos résultats ont montré un fort effet d’interférence lorsque l’appariement signe-mot était incongru, ce qui se traduit par des taux d’erreur plus élevés et des temps de réaction plus longs que dans la condition congruente. Ce résultat suggère que les deux groupes de signeurs utilisent les informations lexicales disponibles contenues dans la labialisation pour accéder à la signification du signe. En outre, les signeurs sourds intramodaux ont été fortement perturbés par rapport aux signeurs entendants bimodaux. Dans l’ensemble, nos données indiquent que la labialisation est un facteur déterminant dans l’accès lexical à la LSF, spécifiquement chez les signeurs sourds.
Mes activités de recherche visent à réaliser une synthèse interdisciplinaire entre une approche psycholinguistique, une approche de linguistique clinique et les neurosciences cognitives que j’applique désormais à la Langue des Signes Française (LSF). Depuis mon recrutement en tant que Maître de conférences (Université Paris Ouest Nanterre la Défense, en 2009), j’ai décidé de me concentrer sur les études en LSF. La LSF est peu connue des linguistes. Ce matériau ” langue des signes ” constitue un terrain d’investigation fertile du point de vue de la linguistique théorique et descriptive, de la psycholinguistique, de la linguistique clinique et des neurosciences cognitives. En ce qui concerne la linguistique de la langue des signes, la nature de certaines unités (comme les paramètres manuels et non manuels qui se combinent pour former un signe) est encore mal définie. Le défi de mon projet est de fournir des données empiriques avec des paradigmes psycholinguistiques, en utilisant des marqueurs électrophysiologiques objectivables afin de clarifier la nature linguistique de certaines unités en LSF.
Il y a un manque de recherche en psycholinguistique et en linguistique clinique sur la LSF, tant sur l’acquisition du langage que sur les troubles du langage chez les personnes signant en LSF. L’objectif à long terme de mes recherches est de combler cette lacune et de fournir des marqueurs spécifiques du développement du langage et des troubles du langage des signes (spécifiquement pour la LSF) pour la communauté clinique et scientifique.
Pour atteindre cet objectif, de nombreuses questions théoriques en linguistique doivent d’abord être clarifiées. Je vais tenter de résoudre ces questions grâce à mon expertise en psycholinguistique. L’analyse de ce langage visuo-gestuel (par opposition aux langages audio-phonatoires) est intéressante pour examiner les différentes théories linguistiques décrivant les langages vocaux (ci-après LV). Peut-on décrire les langues des signes (désormais LS) avec des modèles LV ? Un changement dans la substance du langage (c’est-à-dire la modalité gestuelle par rapport à la modalité vocale) modifie-t-il la structure du langage ? Les unités linguistiques spécifiques de la LV (c’est-à-dire les phonèmes) sont-elles identiques à celles de la LS ? Trop peu de linguistes nous donnent une réponse claire sur la phonologie des langues signées, sur la grammaticalisation de l’espace gestuel et les structures morphosyntaxiques qui sont déployées, sur l’influence de la langue vocale environnante dans le processus de création lexicale en LS, sur la manière d’analyser linguistiquement les structures iconiques, etc. De même, la psycholinguistique offre trop peu de réponses sur la trajectoire développementale du langage, sachant que le développement du langage est contraint par la maîtrise de la motricité des articulateurs grossiers (tronc, bras), puis fins (mains). D’autres questions se posent également quant à l’impact de la modalité gestuelle sur la cognition ou l’architecture neuronale : les circuits cérébraux impliqués dans le traitement du langage dans les LS sont-ils identiques à ceux impliqués dans le traitement des LV ? Enfin, on ne sait pas non plus si la LS a un impact sur la neuroplasticité : l’émergence de l’asymétrie hémisphérique observée dans l’acquisition d’une LV est-elle également observée pour les LS, et si oui, quelle est son évolution dans le temps ?
Ainsi, si nous souhaitons que la LS caractérise le développement et les troubles du langage d’un point de vue linguistique, nous devons d’abord disposer d’une description linguistique fine de la phonologie, de la morphologie, de la syntaxe et de la sémantique de la LSF. Ces questions ont des implications à la fois théoriques et empiriques, et un intérêt appliqué : ces recherches représentent un enjeu de société car elles ont des conséquences directes pour les professionnels et cliniciens (enseignants, orthophonistes, psychologues et neuropsychologues) en termes de diagnostic et de développement d’outils linguistiques. Ces outils leur permettent d’accompagner les apprenants et les patients dans l’enseignement du langage ou la réhabilitation langagière et cognitive.
Dans les années à venir, l’objectif général de mes recherches sera d’atteindre deux grands objectifs:
Un premier objectif fondamental sera de proposer un modèle décrivant les différentes étapes de l’acquisition de la LSF, basé sur des données empiriques multidimensionnelles, à savoir des preuves comportementales et électrophysiologiques.
Le second objectif, plus appliqué, fournira un outil pour l’évaluation et la remédiation du langage en LSF.
[1] Dans ce cas, l’instruction signifie l’aide à l’acquisition du langage. La majorité des enfants sourds naissent dans des familles entendantes. Par conséquent, ces enfants n’ont pas de langue maternelle, et doivent être aidés dans leur acquisition/apprentissage précoce du langage.
Stagiaire : Elsa Gateau, étudiante M2 FLDL, Paris Nanterre
Le présent projet a pour objet d’étude l’acquisition d’un certain nombre de notions linguistiques liées à l’expression de la temporalité chez l’enfant sourd. On note en effet que des problèmes sont rencontrés par ces enfants pour maîtriser l’expression de la temporalité, en Langue des Signes Française (LSF) comme en français écrit. L’objectif de ce projet sera de développer un premier prototype d’aide à l’acquisition (par des exercices d’entraînement) des notions et structurations que nécessite l’expression de la temporalité dans toutes les langues utilisées par les enfants sourds. Cet outil s’adossera aux travaux menés en psycholinguistique de la LSF et en Traitement Automatique des Langues.
La rencontre de ces deux disciplines revêt plusieurs enjeux : des enjeux scientifiques d’une part, car la création de cet outil enrichira les connaissances sur le développement du langage en LSF (celui lié à la temporalité ici), la modélisation de la LSF mais aussi la modélisation de l’expression de la temporalité dans les deux langues (français écrit et LSF) avec une attention portée à la question des invariants entre ces deux langues (en termes de concepts et d’opérations de base en jeu)
Des enjeux pédagogiques et cliniques d’autre part car le projet pourra fournir des outils pédagogiqueset thérapeutiques permettant de tester et d’entraîner les modes d’expression de la temporalité chez des sujets qui présentent des difficultés d’accès cognitif et linguistique.
N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez des informations